
observer & questionner
L’être humain se construit au milieu des récits, des mythes et des traditions qui composent la pensée de son groupe d’appartenance.
Il reçoit et assimile dans son inconscient (dès avant sa naissance) la parole ordinaire et tous les signes de son microcosme social.
C’est ainsi que le nid dans lequel il grandit détermine la façon dont il perçoit le monde et considère les choses.
Disposé à apprendre et à comprendre son univers, il créé progressivement sa pensée par l’intériorisation du vécu, des rôles et des relations affectives de tous les autres.
Certains récits l’élèvent et l’inspirent, certains aiguisent son intuition, ses perceptions sensorielles (réalité) et sa sagesse (dépassement de l’égo) mais d’autres, dénués de bienveillance (compréhension), de créativité (discernement) ou de raison (réalité) forment un espace mental réduit, dépourvu des principes (perceptions) dont sa conscience a besoin pour évoluer : dépasser la limite imposée par les conventions (être plutôt que croire), saisir la réalité de sa condition humaine (plaisir/vie, souffrance/mort), développer son imaginaire pour voir au-delà des choses (ressentir).
L’histoire de la famille, autant que celle de la société, lui propose des leçons de vie qui guident son développement et façonnent ses croyances soit pour le libérer (rôle), lui donner du pouvoir (statut) ou l’asservir (punition).
C’est par simple mimétisme et conditionnements insoupçonnés que l’individu peut être amené à croire à des fantômes (illusions) et à exister à travers la routine de son personnage (espace mental de l’égo, tissé de pensées immuables prisonnières des conventions) en pensant que sa mission de vie et son bonheur se réduisent à l’accomplissement de ses devoirs par civisme, sur sa capacité d’adaptation sociale par ambition, sur des exigences par désir (accumulation, travail, famille) ou sur sa disposition aux compromis par servilité ou attachement : « je fais tout pour être bien avec les autres pour être bien avec moi-même ».
Celui qui détermine son bien-être par sa conformité en tant que moyen d’atténuer ses peurs pense être vraiment heureux jusqu’à la contestation de sa façon d’envisager les choses.
C’est ainsi que la charge de la réalité (perte, exclusion) et les circonstances telles que la désapprobation (autorité), la responsabilité (conséquences) ou l’altérité (différence de l’autre) qui contredisent ses croyances peuvent bouleverser son équilibre intérieur et manifester les enchaînements de sa pensée.
Si l’individu s’installe et marche dans sa vie sans questionner sincèrement son être fondamental, il passe à coté des principes élémentaires de sa nature profonde.
Le jaillissement d’une composante émotionnelle douloureuse est alors nécessaire afin que, dans sa conscience, un questionnement existentiel authentique surgisse pour former une charnière dans la continuité de sa vie : « pourquoi la vie que j’ai si bien construite semble-t-elle se détruire sans raison ? », « pourquoi donc dois-je vivre indéfiniment des naufrages affectifs ? », « pourquoi ai-je le sentiment de ne jamais avoir atteint le vrai bonheur ? » et tant d’autres interrogations, toutes étant propres à chacun.
Les tourments de l’existence éveillent de perpétuels questionnements.
L’Histoire de l’Humanité montre que le questionnement existentiel émerge de manière instinctive et inéluctable et se présente comme un besoin à certaines périodes pour trouver un sens à la vie.
Ainsi, le VIIème siècle avant J.C. a vu naître en Grèce les premières philosophies occidentales connues, créant les prémices ou les aboutissements d’une compréhension de l’Homme et des phénomènes de la nature et de la vie.
Celles-ci ont été relayées jusqu’à nos jours par d’autres philosophies, des théologies, des morales, des humanismes, des idéologies, des prédictions, des sociologies, des phénoménologies, des psychologies, des psychanalyses et d’innombrables théories réactualisant inlassablement les idées fondamentales.
Par son besoin de compréhension, l’Homme a donc, depuis toujours, posé de nouvelles questions et cherché de nouvelles réponses devant les éléments naturels, ainsi que sur son humanité, sans jamais se satisfaire de ses réflexions.
Alors, il tâtonne.
Il sonde les monuments anciens, mégalithes ou pyramides afin de découvrir leurs significations ou leurs fonctions.
Il interroge les témoignages des origines, les tablettes et les squelettes en espérant que leurs secrets lèvent l’incertitude de ses réponses actuelles et le rassurent de ses divagations.
L’être humain produit des efforts considérables pour se soustraire à la souffrance.
Malheureusement, il se trompe souvent de cible et de remède, tout en étant absolument certain du bien-fondé et de l’efficacité de ses aménagements.
Lorsque sa conscience trie ses perceptions pour garder uniquement celles qui correspondent à sa façon de voir, il peut accumuler les explications fausses, approximatives ou incongrues (croyances), collectionner les justifications vaines (excuses de normalisation) et les solutions de compensation (addictions en tant que solutions extérieures, immédiates, superficielles).
C’est alors qu’il existe et s’ennuie dans un monde étrange dans lequel il se pense inadapté.
En réalité, les réponses existentielles sont fondamentalement intérieures et profondément personnelles car chacun résulte du développement de son individualité et se trouve sur un chemin de réponses originales.
Il ressort de l’expérience relationnelle que les idées qui orientent les choix individuels émergent des identifications primitives, de la puissante énergie des représentations subjectives et des croyances collectives enracinées dans l’histoire personnelle.
Les difficultés qui dévoilent une tourmente existentielle interrogent les réponses du passé.
Tant que l’individu ignore son état de dépendance à son histoire et à ses croyances (pensées conçues hors de l’expérience), il est guidé par des illusions (fausses réponses des idéologies) construites sur des images d’évidences figées (fantasmes, certitudes, conventions).
C’est par son déconditionnement qu’il prend conscience qu’il est, en lui-même, le principe fondamental de son propre univers : « lorsque le degré de mon conditionnement se révèle à ma conscience, je réalise à quel point mon existence ressemble à un chemin spartiate sur une terre aride, c’est à ce moment que j’ouvre mes perceptions pour explorer la réalité des fondements de mon existence ».
Parvenir à une réelle indépendance psychique demande d’ajuster la subjectivité aux signes de la réalité (concrète, objective) afin de désavouer les idées impropres qu’une société conformiste et consumériste construit, véhicule et inculque.
Les réponses aux problématiques existentielles se forment sur la compréhension des états affectifs et la prise de conscience des pensées acquises de l’éducation afin de (re)connaître l’individualité : « pourquoi je vis, pourquoi j’existe, pourquoi j’agis, pourquoi je pense et pourquoi je créé » permettant d’accéder à la responsabilité existentielle : « comment je suis, comment je perçois, comment je ressens, comment je connais et comment je désire ».
Des apprentissages (bienveillance, amour, tolérance, altruisme, pardon, acceptation) et des expériences (rupture, conflit, révélation, accident, violence, folie, perte, abandon) sont donc indispensables pour amener chacun à suivre son chemin intérieur et non plus une voie d’enchaînements aux illusions de la généalogie ou de la société.
Les accidents de la vie demandent de rétablir un accord intérieur favorisant une relation harmonieuse de soi au monde.
Le questionnement existentiel, en tant que réflexion sur soi, est alors une manière essentielle de changer l’élaboration de sa pensée pour améliorer sa relation au monde et remédier aux difficultés.
Une démarche de compréhension et de réconciliation avec soi engage l’évolution existentielle en créant l’alignement (accord) des ressentis, des pensées et de leurs expressions pour soutenir la reconnaissance et l’affirmation de soi.
Se découvrir en tant que soi-même engendre l’état de conscience par lequel « je deviens celui que je suis ».
Partant de la volonté de changer son existence, l’individu en quête de transformation ou de libération réalise une intense activité d’expérimentation et de découverte de lui-même.
L'observation des projections de sa conscience sur la réalité décrit la forme de sa pensée. Lorsqu’il « prend ses désirs pour la réalité » en tant que camouflage ou falsification, des étapes de maturation psychique doivent l’engager à renouveler ses perceptions et à remettre en question ses peurs pour qu’il puisse enfin saisir le réel.
Comme l’évolution de l’être résulte de la transfiguration de son passé obscur en lumière de pleine connaissance, une vie entière peut être consacrée au discernement des origines sociales et des circonstances familiales ayant déterminé ses schémas de pensée (croyances, désirs) et ses processus d’action (stratégies d’adaptation).
C’est en dirigeant un regard sincère sur soi que l’accès à soi devient possible : « devenir conscient de qui je suis est la seule vraie liberté dont je dispose ».
Dans ce sens, le processus d’individuation vise l’accomplissement et l’unification de l’être.
L’individuation doit être soutenue particulièrement par la volonté de se comprendre et par une certaine capacité de réflexion (introspection) : « lorsque la compréhension élève le niveau de ma conscience, mes émotions se transforment et me permettent de m’adapter aux énergies environnantes afin de rendre mes actions plus utiles et mes réactions plus significatives ».
Des mouvements bienveillants de réintégration, d’acceptation et de détachement progressifs des éléments insupportables du vécu favorisent ce développement existentiel : « si je comprends et accepte les éléments du passé qui m’ont conçu, je me réconcilie avec moi et m’accorde à mes besoins pour exister en pleine conscience de qui je suis ».
La transformation de l’individu se produit alors de l’observation de ses conditionnements (automatismes), de ses obligations (attachements), de ses loyautés (promesses), de ses croyances (pensées limitantes) et de ses interdits (frustrations).
L’être courageux marche vers la découverte de lui-même en développant sa propre expérience du monde (perception, imagination, logique, libre-arbitre) pour se dégager des erreurs de sa pensée et des conditionnements rassurants qui entravent la facilité de sa réalisation.
Etant donné que l’individu se définit par ses gestes et ses pensées (besoins, émotions, désirs, sentiments), il se constitue comme l’acteur primordial de sa propre évolution : « les observations et les questionnements constituent des outils de maturation ».
Lorsqu’il porte un regard à l’intérieur de lui-même, sur ses actions (intentions), sur ses idées (croyances) et sur sa situation (contexte affectif), il plonge dans les moments particuliers du rapport à soi.
Il accomplit alors son humanité par l’ajustement de ses perceptions et la (re)création d’authentiques représentations de soi pour renforcer l’estime qu’il a de lui-même.
Lorsqu’il explore la source de son histoire, il questionne les raisons ou les causes de sa réalité et les significations de son vécu pour répondre à ses « pourquoi ».
Sa conscience, formée de la curiosité et de la présence à ses perceptions, l’invite alors à une juste compréhension de ses charges émotionnelles (peur, tristesse, colère) et symboliques (haine, culpabilité, regret, humiliation, frustration, perte) pour ouvrir ses possibilités et les conditions de son présent.

Il est utile et judicieux de pouvoir situer les niveaux de conscience et la chronologie des fonctions psychiques à chaque instant des processus de pensée et d’action.
Les chronogrammes suivants remplissent cette fonction.
Le rôle primordial de la conscience est de percevoir (autrui, représentations, soi).
Partant de la réalité (monde, autrui, corps), la conscience agit à partir de l’instinct (émotions) et de ses perceptions (sensorielles) pour développer ses sentiments et créer sa pensée (discernement, symbolisation, imagination, croyances).
Les processus de pensée aboutissent alors à la façon de voir le monde et à la réalisation de soi par l’action (comportements).
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réalité ► corps ► sensation ► émotion ► perception ► intuition ► discernement ► symbolisation ► représentation ► raisonnement ► imaginaire ► émotion ► sensation ► sentiment ► action
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passé ► symbolisation ► mémoire représentative ► perception ► présent ► symbolisation ► représentation ► futur
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moi ► symbolisation ► représentation ► projection ► autrui ► monde (représentation)
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monde ► représentation ► autrui ► symbolisation ► soi ► symbolisation ► représentation ► réalité